jeudi 20 mars 2014

14. Daniel Cohn-Bendit apatride Annexe 1 (a) Sa carte de l'OFPRA

Quelques informations sur la carte de l’OFPRA de Daniel Cohn-Bendit, datée du 26 avril 1957


Classement : données concernant les réfugiés et apatrides




Dans le livre d’Emeline Cazi, Le Vrai Cohn-Bendit (Plon, 2010) se trouve reproduite la carte de l’OFPRA de Daniel Cohn-Bendit pour les années 1957-1960 (photographie hors-texte).
Je renvoie à une page spécifique pour les éléments généraux sur la protection des réfugiés et apatrides au XXème siècle, notamment les Allemands antinazis, et sur l'OFPRA, organisme qui a été créé en 1952.

Description du document
La carte est en diptyque.
On y trouve des éléments pré-imprimés, des ajouts dactylographiés ou tamponnés (italique), des ajouts manuscrit (italique, souligné). 
Les astérisques correspondent à des notes (sous la transcription du document).

PREMIER VOLET
« VF/AN
N° d’enregistrement : 71.937 8758
                                               (tampon)
(photographie)                      Bénéficiaire
                                                    de la
                                   Convention du 10. 2. 1938*

            (tampon) (signature)

                        Signature du titulaire

(timbre fiscal)

Ce document ne dispense pas son titu-
laire de la carte de séjour. »

VOLET 2
« Le Directeur* de l’Office Français de Protection des 
réfugiés et apatrides

CERTIFIE

que Mr COHN-BENDIT Marc-Daniel

demeurant à PARIS 15°*

né (e) le 4 Avril 1945

à MONTAUBAN (T. et G.)

fils (fille) de Erich

et de Herta-Judith née David

est réfugié (e) provenant d’Allemagne

et qu’il (elle) est placé (e) sous la protection juridique
et administrative de l’OFFICE.

Ce CERTIFICAT est valable :

du 26.4.57                 au 25.4.60

            Paris, le 26 Avril 1957.
                                   Le Directeur*
            (tampon, signature*) »

Notes
*Le directeur : à cette époque, le directeur est Georges Gueyraud (du 1° novembre 1954 au 18 avril 1962 ; cf. Galerie des directeurs de l'OFPRA)
*signature : le signataire n'est probablement pas le directeur lui-même
*La convention du 10 février 1938 : à venir
*Paris 15° : 2, square Léon-Guillot

La légende
« Daniel Cohn-Bendit est né apatride. Sur les conseils de son père, il prend la nationalité allemande à l’adolescence pour faciliter ses allers et retours entre la France et l’Allemagne. © GERARD-AIME/Rapho/Eyedea Presse »
Remarque
Emeline Cazi donne ici pour l'adoption de la nationalité allemande un motif différent de celui donné par l'intéressé (éviter le service militaire en France). Par ailleurs, rien dans le document n’indique que Daniel Cohn-Bendit soit  « né apatride ». Il est en revanche indiqué qu'il a encore le statut de « réfugié », du fait que sa mère a elle-même ce statut.

Commentaires
1) cette carte est-elle la seule qui ait été délivrée ?
Il s’agit de la dernière qui lui ait été délivrée, Daniel Cohn-Bendit disposant de papiers d’identité allemands à partir probablement de 1959, peut-être de 1960 ou 1961.
Il est probable qu’elle n’a pas été la seule, en tout cas 1957 ne doit pas être son premier contact avec l'OFPRA (je ne vois pas pourquoi l’OFPRA l’enregistrerait en 1957 s’il ne l’avait pas fait avant). Comme il s’agit d’une carte triennale, on peut penser qu’il y en a eu une précédente émise en 1954. En ce qui concerne la période antérieure, il ne m’est pas possible pour le moment de dire ce qui a pu se passer (il faudrait savoir quel organisme fonctionnait avant l’OFPRA).
Il paraît cependant probable qu’il y a eu dès avril 1945 (vu la date de la carte) un enregistrement (en plus de l'enregistrement à l'état civil de Montauban, qui, conformément aux règles, ne comporte pas de mention de nationalité), date à laquelle la guerre n’était  pas tout à fait terminée et où les Cohn-Bendit étaient dans une situation administrative précaire. Cette précarité n’a pas pris fin avec la guerre, étant donné la situation qui régnait en Allemagne, dépourvue de gouvernement central jusqu’en 1949.

2) s’agit-il d’une « carte d’apatride » ?
Il est évident que cette carte est la base factuelle de l’affirmation de Daniel Cohn-Bendit selon laquelle il « a été apatride pendant 14 ans ».
Dans le mémoire préparé par François Sarda en février 1968, alors que Daniel Cohn-Bendit était en butte à une procédure d’expulsion (différente de celle du 21 mai), l’avocat évoque sa « carte d’apatride » ; cette notion apparaît aussi dans des écrits de Daniel et de Gabriel Cohn-Bendit de cette époque.
Cependant, je ferai une objection conceptuelle : appeler « carte d’apatride » une carte délivrée par l’OFPRA constitue une simplification notable : une carte de l’OFPRA est attribuée à une personne qui peut être « réfugiée et apatride » ou « réfugiée » ou « apatride ». Il y a probablement peu d’apatrides qui ne soient pas des réfugiés ; en revanche, les réfugiés ne sont pas a priori apatrides.
Cette carte prouve incontestablement qu'en 1957, la situation de Daniel Cohn-Bendit est considérée comme relevant de l’OFPRA ; en revanche, elle ne prouve pas catégoriquement qu’il soit apatride.

3) pourquoi la protection de l’OFPRA en 1957 ?
On peut aussi s’interroger sur ce qui justifie que, dans les années 1957-60, la situation de Daniel (et de Herta Cohn-Bendit) soit encore considérée comme précaire, étant donné que (quelles que soient ses raisons d’être parti et les leurs d’être restés) Erich Cohn-Bendit était rentré en Allemagne (vers 1950) et n’était plus ni réfugié ni apatride (sauf erreur de ma part). Légalement (je laisse de côté tout ce qui relève des subjectivités), rien ne s’opposait alors au retour en Allemagne et à la reconnaissance de la nationalité allemande de Daniel Cohn-Bendit ; c’est d’ailleurs ce qui s’est passé en 1958-1959.
Il faut aussi rappeler que, du fait qu’il est né en France, l’accès à la nationalité française lui était ouvert par la procédure de la déclaration (article 52 de l’Ordonnance de 1945, repris de la loi de 1889 : il ne s'agit pas d'une nouveauté). Certes, il n’avait pas la nationalité française, mais il pouvait l'obtenir en la demandant, avant même d'atteindre l'âge de 21 ans où elle lui aurait été attribuée (s'il était resté en France).
Dans ces conditions, on pourrait dire que le fonctionnaire de l'OFPRA a fait preuve de mansuétude en prolongeant un statut plus tout à fait adéquat plutôt que de contraindre Daniel Cohn-Bendit et sa mère à une clarification de leur situation administrative (soit repartir en Allemagne, soit faire les démarches pour qu'au moins le fils devienne français). 
Mais, si cette hypothèse est correcte, je ne vois pas de raison de proclamer ensuite une apatridie (c'est-à-dire, au sens fort, le fait d'être rejeté, d'être refusé, par tous les Etats, et plus particulièrement : la France et l'Allemagne) alors qu'il s'agissait en quelque sorte d'une mesure de bienveillance - tout à fait légitime et digne d'éloges - de la part d'un fonctionnaire français. 

Conclusion
La carte de l’OFPRA ne constitue donc pas, à mon avis, une preuve de l’apatridie de Daniel Cohn-Bendit durant les années 1950.


Création : 20 mars 2014
Mise à jour : 25 mars 2014 
Révision : 17 septembre 2017
Auteur : Jacques Richard
Blog : Territoires
Page : 14. Daniel Cohn-Bendit apatride Annexe 1 (a) Sa carte de l'OFPRA
Lien : http://jrichardterritoires.blogspot.fr/2014/03/14-dcb-apatride-1-ofpra.html








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