jeudi 28 décembre 2017

QH 26. Joffrin et les Gaulois 4. Analyse politique et conclusion

Analyse des assertions de Laurent Joffrin relatives à la Gaule et aux Gaulois et à l’histoire générale de la France : analyse politique de son texte


Classement : nationalité française ; identité française ; pseudo-historien




Ceci est une suite des pages
*Laurent Joffrin et les Gaulois (texte de la tribune)

Référence
*Laurent Joffrin, « Sarkozix le Gaulois », dans Libération, 21 septembre 2016

Présentation
Le lundi 19 septembre 2016, Nicolas Sarkozy déclarait au cours d’un meeting tenu à Franconville (Val-d'Oise) :
« Nous ne nous contenterons plus d’une intégration qui ne marche plus, nous exigerons l’assimilation. Dès que vous devenez français, vos ancêtres sont gaulois. » 
(voir par exemple, Le Mondelien)
Déclaration de style assez « tough » sur le sujet (« exiger », « assimilation ») ; la phrase sur les Gaulois va donner lieu à un débat assez touffu, dont il y a lieu d’examiner plusieurs éléments. ; la tribune de Joffrin ci-dessus mentionnée est un bon exemple.
J’analyser ici les aspects politiques de son texte, qui concernent les problèmes de la nationalité française.

Analyse
1) La fierté des origines étrangères
« Nicolas Sarkozy fait souvent état de son origine hongroise, dont il est légitimement fier »
On retrouve ici un lieu commun de la pensée « immigrationiste », l’idée que les immigrés et leurs descendants devraient être « fiers » de leur origine étrangère (puisque cette fierté est « légitime ») ; ce qui est amusant ici (je suppose que Joffrin en était conscient ; sa remarque, juste après : « On ne suggère pas ici que Sarkozy a pour ancêtre Attila » relève clairement de l’humour joffrinesque) , c’est que l’idée s’applique à un « puissant de ce monde » et non pas, par exemple, à un immigré malien balayeur de rue.
Il semble que dans certaines écoles, il y ait des cartes du monde indiquant l’origine des élèves de la classe, avec parfois la mention (« X, fier d’être Y »).
Cette idée est plus ou moins justifiée, mais il me semble que son caractère « positif » lui donne un aspect bizarre : est-ce que par implication, une naissance en France serait une source de honte ?
Aucun lieu de naissance n’est un sujet de honte, aucun non plus n’a lieu d’être un sujet de fierté.
(Dans la pratique scolaire, je suppose qu’il s’agit de combattre « les stéréotypes intériorisés et véhiculés par les élèves indigènes contre les allogènes ». On dit « je suis fier de… », qui est inepte, mais plus marquant que « je n’ai pas honte de… », qui est juste.)

2) Les dérives de l’assimilation
« [La « saillie » de Nicolas Sarkozy] veut imposer à tous les Français d’origine étrangère le modèle de l’assimilation, idée révolue qui entend annihiler chez les citoyens français toute espèce de personnalité particulière. Imposée naguère par un certain nationalisme, de droite et de gauche, l’assimilation est aujourd'hui un mirage, qui voudrait que les minorités se coupent totalement de leur culture d’origine. On ne l’exige ni des Portugais d’origine, ni des Arméniens, ni des Catalans, ni des Corses, ni des Bretons, ni des Chinois, ni des Alsaciens, ni de personne… sauf des Français de culture musulmane. Sous de dehors républicains, cette injonction, dès qu’on gratte un peu, apparaît pour ce qu’elle est : une discrimination dirigée contre une minorité particulière, qui tend à exclure de la communauté nationale des millions de personnes qui en sont partie intégrante et qui veulent le rester.. »
Ce passage est caractérisé par une construction rhétorique fuyante.
1) Joffrin définit l’assimilation comme la volonté d’ « annihiler chez les citoyens français toute espèce de personnalité particulière » ;
2) il la définit aussi comme une volonté « que les minorités se coupent totalement de leur culture d’origine » ;
On a donc un premier glissement : de l’individu à la minorité ethnique.
3) les formulations précédents permettent de comprendre qu’il condamne l’assimilation en tant que principe ;
4) il affirme aussi que l’assimilation n’est exigée de presque aucune « minorité » dont il donne les exemples suivants : « Portugais d’origine, Arméniens, Catalans, Corses, Bretons, Chinois, Alsaciens ». Le moins qu’on puisse dire est que l’application du concept de « minorités » à ces différents « groupes » est un peu étrange.
5) il affirme cependant qu’elle est exigée « des Français de culture musulmane ».
Ici, se pose deux problèmes d’ordre linguistiques :
1) Qui est ce « on », sujet de « on ne l’exige ni des … sauf des .. » ;
2) A quoi correspond le présent de l’indicatif de « exige » ?
Est-ce que les musulmans (j’abrège) sont actuellement l’objet d’une pression assimilationiste ? A quoi pense Joffrin en écrivant cela ? A la loi de 2004 ? A celle de 2010 ? A l’ « islamophobie » qui soi-disant, imprègne la France (moisie) ?
En fait, il veut probablement dire « on ne l’exige pas des Bretons, mais par islamophobie, on l’exigerait volontiers des musulmans » (j’abrège).
6) il insinue (« dès qu’on gratte un peu ») qu’en disant « nous exigeons l’assimilation », Nicolas Sarkozy n’avait pas d’autre objectif que de « discriminer » « les Français de culture musulmane ».
Si, a priori, je ne peux pas exclure pas que « les musulmans » aient été à l’esprit de Nicolas Sarkozy, il n’en reste pas moins que la formulation de Joffrin est un bel exemple de formule lénifiante à objectif mystificateur.
Au total, le long passage cité plus haut n’a pas un grand intérêt (mais on comprend bien que « l’assimilation, c’est mal »).

3) Qu’a voulu dire au juste Nicolas Sarkozy ?
« La dernière saillie de Nicolas Sarkozy, qui exige désormais des « sang-mêlé » (comme lui) qu’ils se proclament descendants des Gaulois pour avoir droit à la qualité de citoyen français »
Selon une page du Monde sur le sujet (lien), Nicolas Sarkozy aurait dit :
« Dès que vous devenez français, vos ancêtres sont gaulois. »
Tel quel (et la caution du Monde est garante d’une objectivité sans failles !), l’énoncé de Nicolas Sarkozy n’est pas correctement transcrit par Joffrin. Nicolas Sarkozy ne fait pas de la reconnaissance de l’ascendance gauloise une condition d’obtention de la nationalité française, mais une conséquence ; en toute logique, il ne peut en aucun cas avoir à l’esprit une ascendance biologique ; si l’énoncé de Nicolas Sarkozy a la moindre logique, il doit s’agir d’une ascendance symbolique liée à la nationalité.
Il est tout à fait possible que Nicolas Sarkozy ait tort et que les Gaulois ne soient pas des ancêtres symboliques des Français (comme le disent certains membres du CCIF).
Mais il n’y a pas de raison de caricaturer le point de vue que, me semble-t-il, il a voulu exprimer.

4) L’identité française selon Joffrin
« Une discrimination totalement contraire à la véritable identité française, qui est celle du mélange. »
De nouveau, un lieu commun de la pensée immigrationiste. De quel « mélange » s’agit-il ? Manifestement, pour Joffrin, il doit s’agir de mélange culturel, sinon ethnique.
Mais qu’est-ce que cette phrase peut vouloir dire ?
A mon avis, telle que Joffrin la formule (« la véritable identité française est celle |l’identité ?] du mélange), elle ne veut rien dire. Mais c’est un beau slogan, un admirable manifeste « d’ouverture ». Pas de sens, mais un effet : rendre son auteur sympa, le détacher clairement de la horde des « Français moisis » (droits d’auteurs à payer à Sollers).
Dans le genre, j’en propose un autre à Lolo : « Venez comme vous êtes ! » (droits d’auteur  à régler à McDo).


Conclusion générale (des quatre pages consacrées à « Joffrin et les Gaulois »)
Le texte de Joffrin n’est pas la pire tribune qu’on ait pu lire ces dernières années dans la presse française ; au moins, il évite de discréditer ostensiblement son adversaire (un peu quand même : « saillie », « accablant », etc.). Il tente même d’utiliser l’arme de l’humour, mais manque de brio dans ce domaine.
Ce n’est pas non plus une bonne tribune : trop d’énoncés approximatifs, voire erronés ; sa connaissance de l’histoire des Gaulois est sommaire (il est vrai qu'il considère François Reynaert comme un « historien sérieux » du sujet) ; c’est seulement un peu mieux en ce qui concerne l’histoire de France ; sur la question de la nationalité française, il se montre d’un conformisme peu inspiré.
Il s’est cru chargé de la mission de « contrer » une phrase de Nicolas Sarkozy, qui n’était pas si absurde qu’il l’a cru (comme beaucoup d'autres). Il a cru pouvoir la remplir en un quart de page ; c’était trop peu, mais dans ce peu, il a réussi à insérer beaucoup de choses inexactes ou sans intérêt.




Création : 28 décembre 2017
Mise à jour : 29 décembre 2017 (Conclusion)
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Questions d’histoire
Page : QH 26. Joffrin et les Gaulois : Analyse politique
Lien : http://jrichardterritoires.blogspot.fr/2017/12/joffrin-et-les-gaulois-analyse-politique.html








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