mercredi 13 décembre 2017

66. Christophe Guilluy 2 : quelques exemples

Quelques remarques sur le  livre de Christophe Guilluy Le Crépuscule de la France d’en-haut : exemples caractérisés d’une écriture très relâchée


Classement : géographie de la France




Ceci est une suite de la page Le style de Christophe Guilluy, dans laquelle je présente le livre et son auteur.

Référence
*Christophe Guilluy, Le Crépuscule de la France d’en-haut, Paris, Flammarion, collection « Champs », 2017

Ce que je pense du livre de Christophe Guilluy (paragraphe repris de la page précédente)
J’estime que ce livre est mauvais : il est mal écrit ; mal construit ; certaines de ses idées sont inadéquates ; la classification sociale est mal établie ; les démonstrations sont sommaires et discutables ; il y règne un ton de dénigrement (contre les « bobos ») qui donne l’impression de sortir un peu sali de la lecture, que l’on se considère ou non comme un de ces « bourgeois bohèmes ».
Je traiterai ces différents points (et sans doute d’autres) en plusieurs pages. Mais je voudrais tout de suite donner quelques exemples particulièrement pitoyables, qui, à mon avis, indiquent que Christophe Guilluy ne prend même pas la peine de se relire.

Quelques exemples particulièrement spectaculaires
Exemple 1 : phrase incohérente
Page 102, ligne 13 : « le modèle participe à l’accentuation des inégalités sociales et culturelles à l’intérieur des grandes villes où la ségrégation spatiale ne cesse d’augmenter entre les métropoles et la France périphérique »
Il y a ici un recouvrement entre deux concepts : l’opposition quartiers bobos/banlieues (dans les métropoles) et l’opposition métropoles/périphérie (dans la France entière).
Tel quel ça ne veut rien dire. Bien sûr, on répare facilement l’erreur. Mais ce n’est pas, normalement, au lecteur d’opérer des redressements conceptuels, c’est à l’auteur de corriger les erreurs avant édition.
                                              
Exemple 2 : ter repetita placent
Page 108, ligne 17 : « Cette fragilisation économique et sociale de nombreux territoires de la France périphérique se développe dans un contexte de raréfaction de l’argent public particulièrement difficile pour les collectivités. »
Page 112 ligne 9 : « Cette désertification de l’emploi est d’autant plus préoccupante qu’elle s’accentue dans une période de raréfaction de l’argent public. »
Visiblement, il ne se rappelle avoir déjà parlé de la « raréfaction de l’argent public » quatre pages avant. En effet, s’il se l'était rappelé, il aurait écrit : « dans cette période de raréfaction de l’argent public ». La formule apparaît de nouveau deux pages plus loin :
Page 114, ligne 5 : « Aujourd'hui, et alors que la désertification de l’emploi privé se poursuit, la France périphérique est confrontée à la raréfaction de l’argent public »

Tout cela, bien sûr, ne concerne que la forme, pas le contenu. Mais il me semble qu’un tel style ne fait honneur à personne, surtout pas à ceux dont Christophe Guilluy déplore à juste titre la situation. Pour le contenu, je vais donner deux exemples.

Exemple 3 : changement à vue des statistiques
Page 95, ligne 5 : « le taux de chômage d’un ouvrier non qualifié est cinq fois plus important que celui des cadres, celui des employés, trois fois plus »
Page 95, ligne 13 « le taux de chômage des ouvriers non qualifiés est près de quatre fois supérieur à celui des cadres ; celui des ouvriers qualifiés et des employés est double »
Ainsi, à huit lignes d’intervalle, les rapports ne sont plus les mêmes, alors que rien n’indique de changement de localisation ou de date de référence !

Exemple 4 : bobos et nounous, le couple maudit
Page 76, ligne 21 : « Quand un bobo achète les services d’une nounou africaine, cette « exploitation traditionnelle du prolétariat » sera habillée d’« interculturalité ». Mais si Fatoumata garde les enfants de la petite bourgeoisie, qui gardera les enfants de Fatoumata ? »
Mais si, par chance, Fatoumata avait trouvé un travail en usine ou un poste de femme de ménage pour une collectivité territoriale, le problème ne se poserait-il pas de la même façon ? Comme il se pose à toute personne (quelle que soit sa nationalité) ayant des enfants et un travail. La sentimentalité de l’énoncé sur « Fatoumata », jointe à un zeste de marxisme assez mal placé, masque une analyse sommaire, dont le seul but est de mettre en accusation ceux que Christophe Guilluy semble avoir en horreur : les « bobos » !
J’ajoute que :
1) Fatoumata n’a pas forcément d’enfants à faire garder ; peut-être ses enfants vont-ils à l’école et qu’elle les fait récupérer par une amie ;
2) Christophe Guilluy dénonce en passant l’hypocrisie des bobos, qui, sous couvert d’ « interculturalité » ne songent qu’à leurs intérêts égoïstes ; mais je ne suis pas sûr qu’il n’ait pas inventé cette « justification » pour les besoins de la cause ; je doute qu’un « bobo » dirait un truc aussi visiblement bidon (à la rigueur un journaliste « bobo » qui n’a pas d’enfants à faire garder) ;
3) En ce qui concerne la phrase « exploitation traditionnelle du prolétariat », elle me semble inappropriée parce que, du point de vue de Marx, l’exploitation consiste à acheter le travail (pendant un certain temps) de quelqu'un, de lui faire faire quelque chose, et de revendre ce quelque chose à un prix tel que si on retire les frais et le salaire versé au travailleur, il reste un reliquat (la plus-value) ; dans le cas d’une nounou, on achète le travail de la nounou, mais rien n’est ensuite revendu !
Christophe Guilluy dira peut-être que la femme bobo qui (au lieu de faire son devoir de mère) va travailler pour un salaire de, mettons, 5 000 euros (une avocate, une architecte), et rémunère une nounou (à temps plein), mettons, 2 000 euros (y compris les charges),  gagne 3000 euros dans l'opération : mais la différence représente-t-elle réellement une « plus-value » de 3 000 euros ! Ce qui est vendu 5 000 euros, c’est le travail de l’employeuse, pas celui de l’employée.
De toute façon, le cas des nounous à temps plein est peu fréquent ; d’autre part, cela ne dure que dans la période où un enfant ne peut pas être scolarisé. Il arrive d’ailleurs que des femmes bobos préfèrent arrêter de travailler après leur congé de maternité (congé parental), parfois même des hommes bobos ! Du reste, les bobos ne sont pas si fans que cela des nounous, ils préfèrent les crèches ; le recours à des nounous repose en fait sur l’insuffisance d’équipement public (dont le coût incomberait à la collectivité).
On voit  qu’il y a donc beaucoup d’éléments à prendre en compte avant de parler d’« exploitation traditionnelle du prolétariat ». Notamment : il serait nécessaire de s’interroger sur l’existence réelle de « bobos ».

A suivre

A venir
*Analyses thématiques



Création : 13 décembre 2017
Mise à jour :
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Territoires
Page : 66. Christophe Guilluy 2 : quelques exemples
Lien : http://jrichardterritoires.blogspot.fr/2017/12/christophe-guilluy-2-quelques-exemples.html








Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire