samedi 30 janvier 2016

56. La déchéance de nationalité d'Erich Cohn-Bendit : l'avis officiel de déchéance

Quelques réflexions sur la déchéance de nationalité d’Erich Cohn-Bendit : l’avis officiel de déchéance du 14 février 1939


Classement : apatridie ; Allemagne nazie




Ceci est une suite des pages sur l’apatridie de Daniel Cohn-Bendit, (cf. Daniel Cohn-Bendit a-t-il vraiment été apatride ?), et une annexe de la page A propos de la déchéance de nationalité d'Erich Cohn-Bendit, dans laquelle je présente un passage de l’autobiographie de Gabriel (Nous sommes en marche, 1999, page 71) où il cite l’acte de déchéance de février 1939.
Je présenterai ci-dessous cet acte tel qu’il apparaît dans un ouvrage allemand fondamental pour le sujet.

Référence
*Michael Hepp, Die Ausbürgerung deutscher Staatsangehöriger 1933–45 nach den im Reichsanzeiger veröffentlichten Listen, Munich, Saur, 1985 (3 volumes) [disponible à la BDIC et en PEB)

Présentation de l’ouvrage
Il s’agit essentiellement de la reproduction des listes de déchéance parues dans une sorte de Journal officiel, le Reichsanzeiger und Preußischer Staatsanzeiger
Le volume 1 contient l’ensemble de ces listes après une présentation assez courte (39 pages) ; le volume 2 est un index alphabétique des noms des déchus ; le volume 3 est un index par lieu de naissance des déchus (et, pour un nombre très limité, par lieu de dernière résidence connue).
Les premières listes sont peu fréquentes (7 de 1933 à 1936), mais contiennent quelques personnalités : Albert Einstein (liste 2, n°9), Bertolt Brecht (liste 4, n°2), etc.
Ensuite elles se multiplient.

Le cas d’Erich Cohn-Bendit
Son nom apparaît dans la liste n° 92, pages 120 et 121.

Je reproduis ci-dessous le texte de l'« avis » (Bekanntmachung) :

« [Liste 92
Deutscher Reichsanzeiger und Preußischer Staatsanzeiger Nr. 41 vom 17. 2.1939]
Bekanntmachung
Auf Grund  des # 2 des Gesetzes über den Widerruf von Einbürgerungen und die Aberkennung der deutschen Staatsangehörigkeit vom 14. Juli 1933 (RGBl*. I S. 480) erkläre ich im Einvernehmen mit dem Herrn Reichsminister des Auswärtigen* folgende Personen der deutschen Staatsangehörigkeit für verlustig:
[…]
17. Cohn-Bendit, Erich, geb. am 26. 11. 1902 in Berlin,
[…]
Berlin, den 14. Februar 1939.
Der Reichsminister des Innern*.
I. V.: Pfundtner. »
Notes
*RGBl : ReichsGesetzBlatt (Journal des lois du Reich)
*Reichsminister des Auswärtigen : Joachim von Ribbentrop (1893-1946), ministre des Affaires étrangères de 1938 à 1945
*Reichsminister des Innern : Wilhelm Frick (1877-1946), ministre de l’Intérieur de 1933 à 1943
*I. V. : in Vertretung (par délégation)
*Pfundtner : Hans Pfundtner (1881-1945), juriste, haut fonctionnaire du ministère de l’Intérieur (cf. Wikipédia allemande) ; mort par suicide le 25 avril 1945
Traduction
« [Liste 92
Moniteur du Reich allemand et Moniteur d’Etat de Prusse n° 41 du 17/02/1939]
Avis
Sur la base de l’article 2 de la loi du 14 juillet 1933 sur le retrait des naturalisations et la déchéance de la nationalité allemande (JLR, I page 480), je déclare, en accord avec M. le Ministre des Affaires étrangères du Reich, que les personnes suivantes sont privées de la nationalité allemande :
[…]
17. Cohn-Bendit, Erich, né le 26/11/1902 à Berlin,
[…]
Berlin, le 14 février 1939.
Le ministre de l’Intérieur du Reich.
Par délégation : Pfundtner. »

Le cas de Herta David, épouse Cohn-Bendit
La mère de Daniel Cohn-Bendit a quitté l’Allemagne avec Erich dès 1933, et ils se sont mariés seulement ensuite, en France.
Son nom n’apparaît pas dans les listes du Deutscher Reichsanzeiger, ni sous l’entrée « Cohn-Bendit », ni sous l’entrée « Cohn », ni sous l’entrée « David ».
On notera qu’à la fin de certaines listes (par exemple, 2, 4, 6), il est explicitement indiqué que la déchéance de nationalité est « étendue aux épouses x et y » (par exemple, dans la
liste 4 :
« Der Verlust der deutschen Staatsangehörigkeit wird ausgedehnt auf die Ehefrauen:
37. Sfera Chaja Pfemfert, geb. Ramm, […]
38. Betty Schneider geb. Lüddemann, […] »).
Il est probable que les autorités allemandes (nazies) n’ont pas eu la connaissance officielle du mariage d’Erich et de Herta et il semble en être résulté qu'elle n’a pas été déchue de la nationalité allemande (cela dit sous réserve de vérification).
Si c'est exact, cela renforce l’idée que Daniel Cohn-Bendit n’a nullement été apatride : sa mère ayant toujours la nationalité allemande en 1945.



Création : 30 janvier 2016
Mise à jour :
Révision: 6 septembre 2017
Auteur : Jacques Richard
Blog : Territoires
Page : 56. La déchéance de nationalité d'Erich Cohn-Bendit : l'avis officiel de déchéance
Lien : http://jrichardterritoires.blogspot.fr/2016/01/erich-cohn-bendit-lavis-officiel-de.html








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